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Glitch art miniature #1

Le Glitch Art #2 – l’Image

Par


Bonjour,

Vous vous souvenez du Glitch Art ? Si non, foncez lire l’article précédent. Et pour vous ? Oui ? Bon, bah aujourd’hui, on s’attaque à la partie visuelle. Et y a du boulot.

Nous parlions dans l’article précédent au sujet du son d’un certain Kim Asendorf. Or, il se trouve que le jeune homme en question ne s’est pas arrêté à la destruction de vos pauvres oreilles : il s’occupe aussi des yeux. C’est fou comment ces articles s’enchaînent bien ; la classe.

Plus sérieusement, cet artiste polyvalent s’est intéressé au glitch sous toutes ses formes. Il s’est fait connaître par sa démarche quelque peu radicale : ne considérant pas les formats d’image à sa disposition optimaux, il a choisi d’en créer des nouveaux. Parce que « allez bien vous faire voir », aurait-il annoncé à ses proches collaborateurs de l’époque, selon des sources plus ou moins alcoolisées.

Il explique sa démarche dans un reportage proposé par Arte : cliquez ici, si vous souhaitez le visionner (5:29).

Ainsi, la liberté conférée par le glitch art tel qu’il le pratique tend vers ce qu’il appelle « l’individualisme numérique » (« dès lors qu’on commence à créer ses propres normes, en se détachant totalement des normes commerciales, on entre dans la sphère de l’individualisme numérique » ) : il s’affranchit des règles de la masse, pour atteindre son but créatif

Fort bien, mais qu’en est-il de ses créations ? Hé bien…

Note : si tout se passe bien, nous verrons comment il se débrouille pour créer cet effet, le « pixel sorting » , durant le dernier article de la série sur le glitch art.

D’ici là, on peut déjà s’extasier sur la beauté de sa production. Bien évidemment, ceci représente une infime partie de son travail, mais c’est celle avec laquelle il m’a semblé bon de commencer. Parce que ça claque. Et que ça parle probablement plus à la majorité d’entre vous, en comparaison avec ce qui va suivre.
Car oui, le glitch art visuel offre une magnifique palette colorée, saturée, brisée de pixels qui accroche les yeux, les maltraite, puis les laisse affaiblis.

Rosa Menkman annonce au sujet de sa pratique que « créer des glitch, pour moi, c’est avant tout un moyen pour ouvrir la boîte noire. Ça me libère. Je suis une rêveuse et je veux changer la façon de penser des gens. » Cette volonté se transcrit donc par des productions telle que cette vidéo :

Vidéo

De là à changer la pensée des gens, je ne sais pas… Le glitch art m’a apporté une vision nouvelle de l’erreur (cf l’article précédent). Je suppose que c’est déjà un bon point.
Cela dit, le cas de Rosa Menkman rejoint celui de nombreux artistes qui se placent dans une démarche de recherche de sens, s’éloignant de mon envie d’observer des œuvres pouvant simplement faire plaisir aux yeux. Elle offre pourtant de bonnes pistes de réflexion quant au glitch dans une de ses interviews (en anglais, ici).

Le glitch, de par son aspect initial de dysfonctionnement, est supposé être une marque d’aléa. L’erreur à coup sûr semble mise de côté et on se base ici sur un bug survenu sans raison apparente. L’artiste capture alors l’instant, avec toute sa beauté éphémère. Il est amusant de voir que cette forme artistique recherche les mêmes principes de perfection que la photographie, par exemple : on tente de cristalliser la fraction de seconde décisive.

Pourtant, Rosa Menkman annonce que « les glitchs ne sont pas rares : chaque média a les siens […]. Ce qui est rare, de nos jours, c’est de réfléchir au média utilisé lui-même » . Pour mieux se faire comprendre, elle ajoute : « la boîte noire est aujourd’hui impossible à atteindre et modifier » . Le procédé artistique est donc plus difficile à mettre en oeuvre actuellement : les libertés conférées à l’artiste sont moindres. On rejoint ainsi l’avis de Kim Asendorf : il faut une certaine marge de manœuvre pour produire du glitch art.

Glitch art © Yoshi Sodeoka
Glitch art © Yoshi Sodeoka
Glitch art © Yoshi Sodeoka
Glitch art © Yoshi Sodeoka
Glitch art © Yoshi Sodeoka
Glitch art © Yoshi Sodeoka

Une question que l’on peut se poser est celle de la conservation. L’erreur n’est pas supposée rester : on la contourne, on la répare, mais on ne la laisse pas à la vue de tous. Un bug, un glitch n’a pas pour vocation d’être conservé. Or, le glitch art, paradoxalement, fait tout le contraire. Déjà, on recherche l’erreur même, puis on la sauvegarde, et on la met sur un piédestal. Fichtre, voilà qui est stupide. Ou génial. Au choix.
Mieux encore : si le contenu de l’oeuvre est voué à l’oubli, l’oeuvre elle-même doit-elle s’inscrire dans le temps ? Le glitch art n’est-il donc qu’une phase passagère créative, dans la mesure où l’amélioration technologique a tendance à gommer les erreurs et interdire l’accès aux boîtes noires, pour modifier le contenu à la source ?
Pourtant, l’art n’a d’éphémère que le intérêt qu’on lui porte. Si l’acte créatif se concrétise par une erreur de nature, il n’en est pas moins réussi.

Ce qui est bien, avec le glitch art, c’est qu’au moins, on sait à peu près où en trouver : il suffit d’un écran, d’un haut-parleur, de quelques fils mal branchés, de zéros et uns qui s’entrechoquent et boum, ça fait des trucs-bidules jolis… Ahah. Bande de rigolos.
Phillip Stearns a un jour annoncé, en parlant du glitch art :
« Voici la manifestation physique des données. Si elles ne sont pas en train de voler quelque part dans les airs. Sur cette petite carte mémoire. Et pourtant c’est intangible. »
Et quoi de mieux que les TAPIS pour représenter les bits imaginaires d’un ordinateur ?

Glitch art © Phillip Stearns
© Phillip Stearns
Glitch art © Phillip Stearns
© Phillip Stearns
Glitch art © Phillip Stearns
© Phillip Stearns

Non, je ne blaguais pas.
Ce qui est intéressant, ici, est de constater que le glitch, par définition immatériel (dans le sens où on ne le touche pas), est transposé sur un support autre que l’écran ou l’air, dans le cas du glitch sonore.
Désormais, l’oeuvre est conservable et faite pour l’être. La forme d’art se détache de son support et média initial pour entrer dans une ère bien plus matérielle. On peut aller jusqu’à considérer ces pièces textiles comme des concrétisations du glitch art numérique.

De fait, qu’en est-il réellement du glitch art comme je vous l’ai présenté auparavant ? On peut aisément supposer que la conservation des œuvres et données sera relativement efficace et que les collections pixelisées resteront dans les mémoires. Pourtant, les sites internet des artistes, comme celui de Rosa Menkman, qui est en lui-même une exposition glichée, tomberont probablement dans l’oubli.

Le glitch art à part entière a quant à lui un avenir incertain. Comme j’ai pu vous l’exposer durant ces deux articles, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de produire une erreur, un bug technique s’approchant des glitchs d’antan (même les error 404 sont stylisées ! ).
De fait, le public ne connaîtra bientôt même plus le support de base à partir duquel l’artiste travaille ; l’oeuvre perd de sa proximité.

Heureusement pour les amateurs du style, on peut être sûr que les développeurs de jeux vidéos continueront à produire de magnifiques glitchs (regard appuyé vers Goat Simulator, GTA, et tous les jeux d’Activision,) et on espère que les artistes ne tarderont pas à s’en servir !


Liste des artistes cités :
Kim Asendorf ;
Rosa Menkman ;
Phillip Stearns ;
Yoshi Sodeoko.

Il reste de nombreuses questions en suspens, auxquelles j’essaierai peut-être de répondre dans de futurs articles ou dossiers. Je vous laisse vous remuer les méninges un petit peu, tout de même…
Cet ensemble de pavés a atteint une certaine longueur, mais rassurez-vous, la prochaine fois qu’on parle de glitch art, ce sera pour vous faire faire joujou ! Le rendez-vous est donc pris. Soyez prêt à manier les images pour en faire tout et (surtout) n’importe quoi.

En l’attendant, vous pouvez relire l’article précédent au sujet du son ou réagir à celui-ci dans les commentaires, sur Twitter ou sur Facebook. N’hésitez pas non plus à partager vos trouvailles, ça fait toujours plaisir de papoter des perles glanées de-ci de-là !


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