Découverte de l'art polarisant avec Anne-Lise King
Aujourd’hui, l’artboratoire prête sa plume (son clavier) à Anne-Lise King :
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Anne-Lise, artiste plasticienne, inventrice de l’Art Polarisant que je souhaiterais vous présenter. Il s’agit d’une nouvelle technique artistique,qui consiste à réaliser des créations à la fois invisibles et multicolores à l’aide de scotch et de filtres polarisants.
Dans cet article, je vous propose de découvrir en quoi consiste l’Art Polarisant et comment le pratiquer. J’éclaircirai aussi quelques mystères de ce phénomène étonnant par des (très) petites notions de physiques.
Avant tout, j’aimerais remercier chaleureusement sila de me prêter la plume (si je peux m’exprimer ainsi à l’heure d’internet…) sur ce blog.
Qu’est-ce que l’art polarisant ?
Cette technique consiste à superposer plusieurs épaisseurs de scotch entre deux filtres polarisants pour faire apparaître toutes sortes de couleurs. Cela présente de multiples applications dans la créations de vitraux ou de luminaires par exemple.
Vous pouvez aussi visionner un aperçu live dans ces vidéos :
Il s’agit d’une technique totalement fascinante, très accessible (puisqu’on a tous du scotch à la maison) et pourtant elle est inconnue du grand public.
Petit tutoriel sur l’art polarisant
Pour commencer, il faut s’équiper
- d’un rodoïd ou d’un transparent
- de scotch brillant (surtout pas mat genre repositionnable)
- d’un cutter fin ou mieux d’un exacto
- d’une table lumineuse (pour ma part, j’utilise un rétroprojecteur ou une Dalle LED) mais pour débuter, vous pouvez tout à fait utiliser la vitre de votre fenêtre ou un plat à gratin retourné comme sur cette photo
- d’un filtre polarisant A4
- d’une paire de lunettes polarisantes de cinéma 3D, celles qui s’accumulent dans vos tiroirs chaque fois que vous rentrez du cinéma (attention, toutes ne fonctionnent pas de la même façon !)
Si vous souhaitez vous procurer du matériel de pro, je vous invite à faire un tour du côté de ma boutique sur laquelle je vends notamment des kits prêts à l’emploi, du filtre polarisant ou des lunettes.
Maintenant, empilez les éléments dans l’ordre suivant en ayant au préalable enfilé vos lunettes polarisantes:
- Table lumineuse
- Filtre polarisant
- Rodoïd
Selon l’orientation du filtre polarisant (et de celui de vos lunettes) vous verrez tantôt une surface noire, tantôt une surface blanche (faîtes pivoter le filtre pour voir la différence).
Commencez à disposer puis superposer des bandes de scotch dans la diagonale de la feuille. Et là, miracle : les bandes de scotch se colorent au fur et à mesure qu’on les superpose !
Remarquez que le phénomène s’inverse si on dispose des bandes dans la diagonale opposée. On peut ainsi créer un bel arlequin de couleurs et le modifier grâce au petit cutter. Et là, vous allez me dire, c’est bien beau tout ça, mais comment on expose notre création si on ne peut pas la voir à l’œil nu?
Pas de panique : il suffit de vous procurer un autre filtre polarisant à faire orienter selon vos humeurs.
Toute l’originalité de cette technique réside dans plusieurs caractéristiques :
- La création est transparente à l’œil nu mais colorée quand on regarde à travers un filtre polarisant ;
- La création change de couleur lorsqu’on incline le filtre (on peut même obtenir le négatif de l’image, lorsqu’on l’incline à 90°) ;
- Lorsque l’on dépose les couches de scotch les unes après les autres, l’ordre d’apparition des couleurs est toujours la même.
Je précise ce dernier point : vous pouvez créer avec cette technique toutes les couleurs de l’arc-en-ciel (et même plus puisqu’on peut obtenir du noir), mais vous n’avez pas le choix de l’ordre d’apparition des couleurs, comme c’est le cas en peinture par exemple, où l’on peut à loisir commencer soit par le jaune, soit le bleu ou le rouge et puis revenir au jaune. C’est-à-dire que si vous voulez commencer par faire apparaître le vert, vous ne pourrez pas. Tout simplement parce que le vert ne se crée qu’à la troisième ou quatrième couche de scotch. Tout dépend de son épaisseur et de son inclinaison par rapport au filtre…
Pourquoi ne peut-on pas commencer par le vert ?
Parce que l’épaisseur du scotch agit comme un filtre qui va laisser passer une ou plusieurs longueurs d’onde. Et qui dit « longueur » d’onde », dit « couleurs » ! Et oui, rappelez-vous vos cours de physique (et surtout pas d’art plastique avec les couleurs primaires, beurk ! à bas la synthèse soustractive !) : la couleur, ce n’est pas (forcément) de la matière, c’est avant tout une longueur d’onde.
Pendant mes ateliers, certaines personnes me demandaient où se trouvait la couleur, ou bien si elle était bien présente dans le plastique : en réalité, il ne faut pas envisager la couleur de l’art polarisant comme un pigment. La couleur n’est pas fondamentalement présente dans le plastique. Ce dernier agit simplement comme un filtre, qui va laisser passer seulement certaines longueurs d’onde de la lumière qui le traverse, donc seulement certaines couleurs.
Découverte du phénomène
Artiste plasticienne depuis une dizaine d’années, j’ai eu mes premières amours avec le cinéma en me formant à la réalisation et au montage.
Mais le plaisir de mettre les mains dans la colle, la peinture et la matière ne m’a jamais lâché. C’est pourquoi j’ai toujours cherché à faire dialoguer les arts cinématographiques et les arts plastiques. Qu’est-ce qui fait cinéma? qu’est-ce qu’une image? une image en mouvement? une image projetée? ont été autant de questionnements qui m’ont conduit vers un unique mystère : la lumière.
Il y a quelques années, une amie prof d’optique à l’université paris X m’a fait découvrir un phénomène tout-à-fait étonnant : la biréfringence. Ce mot étrange, aux sonorités oulipiennes, désigne la propriété qu’ont certains matériaux transparents vis-à-vis de la lumière.
Leur effet principal est de diviser en deux un rayon lumineux qui les pénètre. Ils ont la capacité de changer de couleur lorsqu’on les places entre deux filtres polarisants. C’est le cas de certains plastiques, et du scotch.
Si vous êtes intéressé par l’explication scientifique exacte, je vous recommande le TP d’une classe de terminale.
Absorbée par mes projets d’alors, je n’ai pas poussé plus loin l’expérience. Ce n’est que bien plus tard que je suis revenue sur l’exploration artistique de ce phénomène. J’ai alors cherché sur internet quels étaient les artistes qui utilisaient la polarisation ou la biréfringence dans leurs œuvres (sans parler de la photographie) : quasiment aucun !
Seule une artiste américaine (Austine) ressort dans les moteurs de recherche.
Dessins naturalistes aux couleurs parfaitement réalistes, maîtrisées et plutôt sages (mon dieu, que de papillons !) ses créations ne semblent pas avoir exploré toutes les particularités de ce médium. Pour moi, le grand intérêt du matériaux qu’est le scotch, c’est justement de nous offrir des couleurs inattendues à chaque couche supplémentaire que l’on superpose. Alors autant se servir de nos ratés et de nos accidents pour se laisser surprendre par la matière !
Pour aller plus loin
En complément de cet article, je vous invite à visiter mon site : www.artpolarisant.com.
J’ai aussi créé la première collection de luminaires biréfrigents. Appelée Lampe Kino, elle est en vente à partir du 12 septembre 2019 sur ULULE alors n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’oeil !
Si vous n’êtes pas convaincu, regardez donc cette vidéo de présentation :
Enfin, si vous souhaitez vous essayer à l’art polarisant « en vrai », j’anime des ateliers d’initiation et des formations régulièrement. Vous pouvez visiter l’agenda ici ou me contacter par mail : lesatelierslumiere@gmail.com
A VOUS DE JOUER !
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