Exposition Mister Freeze : street art et hangar
J’ai eu la chance de visiter dimanche l’exposition du collectif Mister Freeze, organisée du 30 septembre au 08 octobre 2017, à Toulouse. Voici un rapide retour sur expérience et mes coups de cœur de l’exposition. Ou plutôt : moult bonnes raisons d’aller voir cette expo d’art urbain gratuite dans les plus brefs délais (la 7ème va vous surprendre).
Posons le cadre
Avant tout, autant remettre l’exposition dans son contexte !
Le 50Cinq, tirant son origine du numéro 55 de l’avenue Louis Bréguet, à Toulouse, est un ancien bâtiment utilisé pour la réparation d’avions. En s’y rendant, on sort abruptement de la rocade toulousaine pour zigzaguer entre les zones en travaux, hangars plus ou moins graffés de noms inconnus (ou non) et autres immeubles délavés. Après quelques circonvolutions aux alentours et un passage devant ce qu’il reste de la piste d’atterrissage historique de l’aéropostale, on trouve finalement la procession dominicale des amateurs de street art.
Le lieu, que j’ai qualifié précédemment de bâtiment, mérite probablement un qualificatif plus proche d’entrepôt immense (ceux d’entre vous qui connaissent la taille d’un avion de ligne se doutaient bien de la chose, mais je précise pour les retardataires). Quant au street art, difficile de se tromper : les murs extérieurs affichent fièrement des fresques colorées et bariolées.
On entre dans la première salle après un sourire au vigile et là… du street art PARTOUT. Aux murs, surtout, mais aussi organisé en petits box pour un ou plusieurs artistes. Le hangar est grand et en réalité, une partie de l’exposition se trouve à l’espace cobalt juste à côté. Bref, malgré une affluence tout à fait honorable, on ne se marche pas dessus et les 45 artistes ont pu s’exprimer sur des surfaces correctes. Parce que oui, il y a 45 artistes.
45 artistes ?
Parfaitement : 45 artistes. Autant vous dire qu’on peut féliciter les organisateurs ; je n’ose pas imaginer la galère pour coordonner autant de créateurs sous 3 semaines, la durée nécessaire à la réalisation des fresques de 4 mètres par 8 qui tapissent tous les murs du hangar.
Avant de vous présenter mes coups de cœur, je conseille aux personnes pouvant se rendre à l’exposition Mister Freeze de s’y déplacer fissa. Cela vaut le détour, quel que soit votre avis sur le street art. Vraiment. Vous trouverez le programme ici (je n’ai personnellement pas pu faire de visite guidée). Et si vous avez 15 euros sur vous, le coffret contenant les fiches des artistes vaut clairement son coût.
Ceci dit, j’en profite pour ajouter que les artistes présentés ci-dessous ne sont qu’un infime échantillon en termes de styles (l’éclectisme est absolu), portées ou visions. Bref, je n’appelle pas ça “coup de cœur” pour rien et je parlerai probablement de certains dans des articles séparés. Dans la mesure du possible, j’ai essayé de trouver des photographies des graffitis en bonne qualité, mais j’ai parfois dû me rabattre sur les photos louches de mon téléphone portable.
Street d’art d’inconnu
On commence doucement avec une belle mise en abyme artistique et humoristique… Je n’ai pas trouvé qui a réalisé ce graffiti ; l’expérience habituelle du street art anonyme est retrouvée.
ARDPG
Continuons avec un classique du street art : une bombe de peinture, une typographie et une phrase. Derrière, un mur une idée et un artiste, qui sourit ici avec malice.
Katre
Le street art ne se limite pas à des mots à même un mur. Katre le montre brillamment avec ses œuvres (ici, une toile mais aussi via des fresques), qui sont d’une violence visuelle magnifique.
Wow 123
Ceux qui suivent ce blog depuis quelques temps connaissent tout mon enthousiasme pour le glitch art (si c’est votre cas ou si vous souhaitez en savoir davantage : foncez)… Vous vous doutez bien que cette œuvre de Wow123 m’a carrément tapé dans l’œil (une des premières que l’on peut voir dans la salle) ! Malheureusement, la photographie ne rend pas totalement justice aux couleurs splendides de la fresque, une trop forte luminosité écrasant la partie supérieure.
Vinie
J’ai été frappé par le changement de style qu’offre Vinie dans l’exposition. La douceur qui émane de ses graffitis tranche réellement avec les autres artistes. Les personnages aux grands yeux se reposent, sourient, tout en couleurs pastels et traits paisible. On note au passage l’utilisation sympathique des ouvertures dans la disposition de la demoiselle.
L’insecte
Les puristes d’entre vous crieront au pugilat car ce n’est pas un mur mais du bois… Sachez que l’artiste a aussi produit une belle fresque dans le même style ; je préfère simplement cette baleine. L’originalité de l’œuvre m’a clairement séduit ; un mélange de cassures formant un ensemble cohérent, tout en styles imbriqués.
Nicolas Delpech
Voici enfin une œuvre se rapprochant un peu du glitch art vu précédemment, dans ses tracés rectilignes, millimétrés. Une approche bien géométrique de la création, couplée à un choix de couleurs vives, par Nicolas Delpech.
Note bonus : comme pour le glitch art ou certains jeux typographiques, l’artiste a un malin plaisir à rechercher une représentation très numérique de son œuvre. Il crée une représentation physique, analogique à souhait, avec une apparence caractéristique de l’imagerie assistée par ordinateur.
Street art : musée à ciel ouvert ?
Avant de se quitter, et pour ceux qui ont tenu jusqu’ici, voici quelques lignes sans prétention sur l’exposition, son environnement et le street art. Cette visite fait écho à mon passage à l’exposition de Banksy au Moco il y a quelques mois, à Amsterdam. Une première différence notable est le prix d’entrée. Prix qui est tout simplement non existant pour Mister Freeze, alors qu’on doit hypothéquer sa maison pour accéder au Moco (au moins).
Vous me direz : “certes, mais les artistes n’ont pas la même réputation”. Alors déjà, ne commencez pas à interrompre le cours de mes pensées car on ne va jamais s’en sortir. Ensuite, le street art est forme de création qui se veut tout public, offerte gratuitement au passant. Il est des questions de propriété et préservation des œuvres que je n’aborderai pas ici, mais l’empreinte politique du street art est extrêmement forte. Le libre accès à l’exposition de Mister Freeze correspond davantage à la philosophie du milieu contrairement à celle, toute en cadres dorés et velours contenus, du Moco.
D’ailleurs, retour au cadre : l’exposition toulousaine, dans son environnement même, est fidèle aux idées générales du street art. Les plus habiles détectives parmi vous auront noté le “street”, dans le nom, signifiant “rue”. Mince, ce n’est pas “musée payant aseptisé”. Le bâtiment est grand, mais empli de vie. Des familles déambulent, des enfants parlent fort (oui, ils osent et ils ont bien raison) et jouent même entre deux cages de foot miniatures installées dans un coin. On sent encore une odeur de peinture lorsqu’on s’approche des murs. Le sol est à nu, le hangar offre toujours ses colonnes de bétons et sa voute boisée, et l’art s’y trouve à son aise.
Pas de piédestal, ni de lumière superficielle. Les œuvres sont brutes, et même si on ne se trouve pas directement dans une ruelle, on s’y croirait presque (les intempéries en moins). La relation aux œuvres est probablement moins personnelle et impromptue que lors d’une exploration urbaine, mais le spectateur s’y retrouve. On peut aussi apercevoir un artiste, ficelle à la main, mesurant sur le mur austère ses futures circonvolutions. Une bombe de peinture traine par ici. L’odeur du graffiti, légère mais persistante, ajoute au tout une clarté de réalisme bienvenue.
Certes, certaines œuvres sont présentées sur des toiles, d’autres peuvent être achetées et encadrées… Mais il n’y a pas cet étrange sentiment de voir un art rebelle dans un carcan de règles distingué, comme au Moco. On est bien loin du Banksy connu et reconnu, affiché avec une prétention toute élitiste, branchée et convenue.
Éphémère. C’est le dernier point que je souhaite aborder lors de mes divagations ; après quoi je vous libère (et attends vos réactions dans les commentaires avec impatience).
Éphémères, donc, sont les œuvres. Uniques, très souvent, mais ancrées dans le temps et encrées sur un mur qui sera recouvert l’année suivante. Les artistes, réunis autour d’un but commun de création magnifique, gribouillent, tracent et, ultimement, créent dans un hangar réaffecté pour quelques jours seulement. Et c’est fichtrement beau, poétique. Gratifiant, en un sens, de se savoir spectateur d’une frivolité artistique.
Pour toutes ces raisons, cette exposition se rapproche de ma vision du street art : libre, gratuit, accessible à tous, immensément varié et beau dans sa temporalité.
Merci à tous d’avoir lu jusqu’ici (et, au passage, à Mister Freeze pour l’exposition, je reviendrai avec plaisir pour l’édition 2018). J’espère que l’article vous a plu ; vous pouvez continuer votre lecture par ici ou par là pour plus d’art urbain. Si c’est le cas, n’hésitez pas à le partager autour de vous et à rejoindre l’artboratoire sur Instagram ou X/Twitter.
Un avis ? Les commentaires vous attendent à bras ouverts !