La Quête d'Ewilan : 12 questions à l'équipe du dessin animé
La Quête d’Ewilan, une trilogie fantastique écrite par Pierre Bottero, est en cours d’adaptation en série animée ! L’artboratoire a pu poser quelques questions à l’équipe d’Andarta Pictures, le studio d’animation responsable de cette bonne nouvelle…
Sommaire :
Présentation de La Quête d’Ewilan
La Quête d’Ewilan regroupe trois romans écrits par Pierre Bottero et publiés chez Rageot en 2003. Relatant l’épopée d’une jeune héroïne aux pouvoirs fantastiques, cette série oscille entre notre réalité et Gwendalavir, un univers parallèle médiéval. Dans celui-ci, Ewilan se découvre un talent démesuré pour l’Art du Dessin, une technique permettant de faire basculer dans la réalité le fruit de son imagination. Accompagnée de son ami Salim puis rejointe par un petit groupe haut en couleurs, elle vivra une aventure incroyable, entre frissons, humour et poésie.
Si vous n’avez pas eu la chance de vous plonger dans les oeuvres de Pierre Bottero, auxquelles aucun résumé ne peut correctement faire honneur, foncez dans la médiathèque la plus proche, passez la porte de votre librairie favorite ou dépoussierez une étagère familiale à la recherche D’un monde à l’autre, le premier tome. Laissez-vous séduire par sa plume ; vous pourrez toujours revenir lire la suite de cet article plus tard.
L’adaptation du roman de Pierre Bottero
Ma passion pour les quêtes alaviriennes aurait pu rester dans l’ombre, si la publication d’une bande annonce n’était pas venue chambouler quelques souvenirs adolescents.
En effet, Andarta Pictures, un studio indépendant basé à Bourg-lès-Valence, a publié le trailer pour la Quête d’Ewilan fin septembre dernier. Annoncée lors de la trentième édition du Cartoon Forum, l’adaptation en animation 2D a de quoi séduire ; jugez plutôt :
Emballé par la nouvelle et subjugué par la direction artistique du projet, je me suis empressé de relire la saga avant de contacter les responsables de cette adaptation pour réaliser l’interview suivante !
Andarta Pictures : entre graphismes et scénario
Quel a été le plus grand défi à relever pour adapter graphiquement les romans ?
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Nous ne sommes qu’au début de l’adaptation ce qui ne facilite pas la réponse car nous parlons au présent et non au passé !
Il y a plusieurs défis de taille jusqu’ici :
• Ne pas décevoir les fans.
Pour cela nous devions vraiment revenir aux textes afin d’être fidèles aux descriptions de Pierre. Nous avons aussi mis en lumière ce qui n’est pas écrit et ainsi découvrir la part de liberté que nous avions. Pour certains points nous avons consciemment changé des détails comme la barbe de Bjorn (qui ne pousse qu’en fin de la 1ère trilogie et ce, pendant quelques chapitres seulement) Nous devions positionner Bjorn dans la bonne tranche d’âge et nous avions réalisé que dans l’imaginaire collectif beaucoup lui avait déjà attribué cette barbe. Ce choix illustre bien l’équilibre que nous essayons de trouver entre véracité littéraire et imaginaire collectif afin que la rencontre entre l’image et le lecteur soit la plus naturelle possible.
• Transcrire la poésie et l’harmonie des récits.
L’utilisation de la 2D est pour nous la meilleure solution pour porter l’harmonie et la poésie. Elle apporte la souplesse et la douceur nécessaire tout en nous ouvrant le chant des possibles. Le don du “dessin” va pouvoir être réellement mis en valeur par une variation dans le dessin ! Les designers se régalent à pouvoir jouer avec cette palette des possibles. Laisser libre court à leur imagination.
• Ouvrir les portes de l’imagination.
Pierre chérissait l’imagination ; elle était pour lui un pouvoir, une force, un moyen d’expression. Nous voulions offrir ce pouvoir à nos dessinateurs et c’est naturellement que les portes vers Gwendalavir se sont ouvertes. Les animateurs, séduits par les bouquins, ont puisés dans les mots de Pierre la matière pour nourrir leur créativité. Nous voulions qu’ils puissent être libres de nous proposer leur vision et au besoin, nous la complétions.
• Offrir des personnages profonds.
Là encore, la 2D est un bon vecteur et l’écriture en sera un autre, mais il nous fallait bien cerner la psychologie des personnages pour que dans leur visuel nous puissions nous attacher et découvrir en un clin d’œil le caractère de chacun sans tomber dans la caricature. Là encore, la connaissance et les discussions autour des personnages a nourri les designers.
Les livres, pour adolescent.e.s, décrivent parfois les champs de bataille explicitement alors que la série est labellisée pour les 7 ans et plus. Quel a été votre processus pour les adapter à un jeune public ?
Claire DIJKMAN et Sophie SAGET, productrice :
Nous n’en sommes pas encore là et le diffuseur qui portera ce projet insufflera son vent dans nos voiles. Nous aimerions avoir une double lecture, que le programme soit familial sans être édulcoré.
Il est possible d’évoquer la mort, les blessures, le danger sans le montrer de manière explicite. La mise en scène permet cela et le réalisateur pourra suggérer les actions tout en restant en conscience de la cible “enfants” qui regardera le programme. Une réaction de Salim, maître Duom ou Camille face à une situation sera toute aussi sans équivoque que la vue d’un massacre.
Pierre savait décrire les récits de combats sous plusieurs points de vue et parfois avec humour. Nous espérons pouvoir en faire de même et caractériser les combats. La fluidité des attaques d’Ellana les rendra très esthétiques, tels une danse ; la vantardise de Bjorn au combat amènera du comique de situation.
De quelle scène êtes-vous les plus fier.ère.s ?
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Il y aura autant de réponses que de points de vue. Sachant que nous ne parlons que du teaser… Pour ma part, ma scène préférée est celle de Salim enlaçant Camille avant qu’elle ne s’évanouisse. Je trouve que toute la relation et l’affection que Salim a envers Camille y sont parfaitement visibles. Au-delà des aventures, c’est cette relation et celle avec le groupe qui donnent au récit sa force. Ce plan est pour moi dans le bon ton, il porte notre ambition !
Les paysages produits, notamment pour le trailer, sont splendides. Avez-vous une source d’inspiration particulière ?
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Des recherches ont été faites pour essayer de trouver si l’auteur aurait pu s’inspirer de tel ou tel lieu. Par exemple, la ville d’Al-Jeit a-t-elle été inspirée d’Al Jazil ? Nous n’en avons aucune certitude mais Al Jazil a bien été un visuel de référence pour “le plateau rocheux aux bords verticaux” décrit dans le roman.
Claudine, la femme de Pierre, nous a confié que les Dentelles Vives sont inspirées des Dentelles de Montmirail, où Pierre aimait grimper. Un auteur s’inspire de tout ce qu’il a pu voir. Nos dessinateurs de décors sont en cela des auteurs, ils ont chacun des sources d’inspiration propres, et, après lecture des descriptions, chacun a tricoté les éléments manquants en respect de l’œuvre originale et en fonction de sa sensibilité.
Si les décors sont beaux c’est que nos décorateurs sont talentueux et sensibles à la poésie de Pierre ! ;)
Avez-vous eu l’occasion d’échanger avec Jean-Louis Thouard, l’illustrateur des livres de Pierre Bottero ? Quelle place ont occupé ses travaux dans vos recherches ?
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Nous n’avons ni contacté Jean-Louis Thouard ni les illustrateurs des BD d’Ewilan et d’Ellana.
Il était important pour nous de partir d’une page blanche. De laisser à nos auteurs graphiques le pouvoir de l’imagination intact. L’idée n’a jamais été de copier ou de s’inspirer d’un autre auteur graphique, mais bien de repartir de l’auteur original : celui qui a posé les mots sur sa vision et qui nous a offert l’espace nécessaire pour la création.
Nos échanges avec Caroline Westberg, éditrice qui a porté Pierre tout au long de son écriture, nous ont beaucoup conforté sur la volonté que Pierre avait de laisser le lecteur voir ce qu’il voulait. Certaines descriptions ont été voulues incomplètes pour que chacun puisse se sentir libre et puisse utiliser son imagination. Ce cadeau nous l’avons également fait à nos dessinateurs.
Quelle partie du scénario a été la plus difficile à adapter ?
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Nous n’en sommes pas encore à cette étape.
Le travail avec les scénaristes n’en est qu’au commencement car beaucoup de choix doivent être faits en amont avant de se lancer dans l’adaptation, épisode après épisode. Encore une fois, le diffuseur va aussi orienter l’écriture.
Actuellement, le plus dur a été de choisir l’angle d’approche. Nous avons opté pour celui choisi par Pierre, partir de l’une des premières phrases du roman : “son esprit de jeune surdouée analysait la situation”.
Nous voulons parler de cette façon bien particulière que ces enfants à haut potentiel, ces zèbres (jargon français), ces personnes “gifted”, ont de percevoir notre monde, les relations, la justice, les émotions. Cette approche est en accord avec le fait que Pierre était un de ces adultes à haut potentiel et que ce sujet est particulièrement présent dans son entourage puisqu’aujourd’hui une de ces filles travaille auprès de ce public. Nous suivrons donc Camille dans cette particularité pour vivre avec elle ses aventures avec son regard sur les choses.
Après, beaucoup de questions vont se poser notamment sur le “Dessin” : ses métiers, ses utilités, ses limites, ses lois. Car si pour Pierre, ça coulait de source dans son cheminement mental, pour une équipe de scénaristes, il faut retrouver la logique, résoudre les facilités et renforcer la dramaturgie.
Tout récit comporte son lot d’incohérences. Quelle a été votre approche pour les contourner ? (Je pense notamment aux questions posées sur le groupe Facebook privé. A-t-il eu son utilité ?)
Claire DIJKMAN, responsable littéraire sur le projet :
Nous pensons que les incohérences pouvaient n’être que passagères.
Si Pierre avait continué son œuvre, nous aurions eu des récits qui éclairent les incohérences/ facilités des premiers. Comme la trilogie “l’Autre” éclaire la particularité de Salim, ou “les âmes croisées” qui font le lien entre les Anciens et les Bâtisseurs, à terme tout aurait peut-être trouvé écho.
Solliciter les fans dans le groupe privé était avant tout pour voir quelles réponses ils avaient trouvées et si ça rejoignait nos suggestions. C’est surtout utile pour sensibiliser les différents acteurs du projet à l’impact que ces livres ont eu sur les fans et la capacité que nous avons tous de donner du sens aux facilités.
Notre approche est de connaître la totalité des œuvres (avec dernièrement la lecture des “les aigles de Vishan Lour”) sans oublier tous les petits romans des éditions Flammarion, pour entrer dans l’univers créatif de l’auteur. Nous devons tout connaître pour palier ce qui nous semble des facilités ou incohérences en puisant d’abord dans ses œuvres et en tricotant ensuite !
Actuellement je travaille beaucoup sur Eléa, cherchant à cerner le personnage et son histoire, en accord avec toute l’œuvre. Il faut que les fans puissent se dire “ah mais bien sûr” et pas “n’importe quoi s’ils avaient lu tel ou tel livre ils auraient compris”. Après, les scénaristes devront aussi trancher sur certains points et faire des choix qui nous éloigneront peut-être du roman mais ce sera pour garder l’équilibre et l’harmonie de la série.
Une animation 2D ?
Pouvez-vous décrire les étapes générales pour créer une scène dans un dessin animé ? Quels outils utilisez-vous ?
Tom VIGUIER, chef animateur sur le projet :
Tout se fait sur ordinateur, avec différents logiciels comme TVPaint, ToonBoom Harmony, et encore Adobe After effect.
À partir du storyboard, le travail est séparé entre décors et animation. Pour cette dernière, on procède en plusieurs étapes. Le layout consiste à mettre en place les personnages, au modèle, dans la scène avec la ou les poses fortes du plan. Puis, on anime le personnage en réalisant tous les dessins nécessaires : d’abord au rough (sorte de brouillon) puis au tie-down (dessin plus poussé, plus juste, mais qui n’a pas encore le rendu définitif).
Ensuite, le plan passe au clean, où tous les dessins sont retracés proprement avant d’être mis en couleurs. L’animation à proprement parler est terminée, elle sera replacée dans le décor définitif à l’étape du compositing où on peaufinera les derniers réglages de mouvement de caméra, de lumière, de colorimétrie…
Quel a été votre parcours avant de travailler chez Andarta Pictures ?
Tom VIGUIER, chef animateur sur le projet :
J’ai étudié le dessin et l’animation sur les bancs de l’école Emile Cohl à Lyon, d’où je suis sorti en 2009. J’ai alors navigué sous le statut d’indépendant entre animation de commande, bande dessinée ou encore peinture murale. Je me suis ensuite consacré pleinement à l’animation en studio à partir de 2013 au sein du studio Caribara à Annecy, puis j’ai débarqué avec ma petite famille à Valence où j’ai pu travailler dans différentes structures telles que Folimage, Foliascope et Andarta Pictures où je travaille actuellement.
Avez-vous des conseils pour celles et ceux souhaitant se lancer dans l’animation 2D ?
Tom VIGUIER, chef animateur sur le projet :
La chose essentielle à mon avis, c’est d’avoir un excellent niveau de dessin. Du dessin d’observation pour enrichir son vocabulaire, puis un dessin plus imaginé, plus construit. Il faut ensuite beaucoup de méthode et de rigueur, car c’est un travail très lent (quelques secondes par jour seulement) et très exigeant. Et forcément, être passionné, cultivé et ouvert sur tout ce qui peut être fait avec ce médium fascinant.
Distribution et perspectives
Où pourra-t-on trouver les épisodes de La Quête d’Ewilan ?
Sophie SAGET, productrice :
C’est en cours de discussions avec plusieurs diffuseurs… Si ta tante bosse à Netflix ou si ton frère est pote avec Mickey, tous les pistons sont les bienvenus. ;)
Dès que nous le pourrons nous vous tiendrons informés via les réseaux sociaux. À moins que ça devienne secret défense… pour une plus belle révélation au moment de la diffusion.
Peut-on connaître la date de diffusion de la série ou avoir un indice à ce sujet ?
Sophie SAGET, productrice :
Il faudra être patient… Une série d’animation prend du temps à se fabriquer. On peut viser la rentrée de septembre 2021, pas avant.
Merci infiniment à Claire DIJKMAN, Sophie SAGET et Tom VIGUIER d’avoir pris le temps de répondre à mes interrogations avec autant de détails ! Je remercie également Justine SOTON d’avoir accepté de leur transmettre ces mêmes questions.
Parmi les auteurs de mon adolescence, Pierre Bottero est le seul vers qui je me tourne à nouveau, des années après les premiers bruissements de page. Le projet est audacieux et je lui souhaite de tout coeur de réussir. D’après les réponses ci-dessus, on ne peut qu’être confiant pour la suite !
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